Arrivé à Lanzarote après une traversée éprouvante, je prends quelques jours de récupération. Ensuite, je me lance à l’assaut des pontons, les arpentant quotidiennement en quête d’un équipage sympathique pour traverser l’Océan vers le Brésil, voire simplement rejoindre le Cap-Vert. C’est cette dernière option que je choisis, pour couper le trajet en deux, et me donner plus de chances. La majorité des bateaux vont en effet aux Caraïbes, parfois en passant par le Cap-Vert. Les dépressions se succèdent aux Canaries, ce qui est assez inhabituel, et les alizés ne sont pas encore établis. Bref, peu de mouvement dans la marina Rubicón.
J’en profite pour rencontrer un peu plus les plaisanciers, et notamment cette famille française sympathique qui m’héberge sur leur bateau Maritéa. J’ai des fourmis dans les jambes, et lorsque je me rends à la marina voisine (Puerto Calero), je décide de traverser la montagne qui domine la Playa Blanca.
Du sommet de Hacha grande, la vue est superbe, mais le trajet encore long pour arriver au port. Je fais donc du stop, ce qui marche relativement bien sur l’île. Au puerto Calero, je rencontre Jacques, qui accepte de m’embarquer pour le Cap-Vert, mais qui ne part que 10 jours plus tard. C’est long, mais content de cette nouvelle, je visite un peu l’île désertique, dont l’eau douce est obtenue par désalinisation. Peu d’agriculture dans ce climat aride. Les seules productions locales conséquentes sont le vin (très bon) et le fromage de chèvre. Le plat ci-dessous, queso templado, est d’ailleurs fait à partir d’un fromage local.
Pour le reste, peu de légumes, la plupart des vivres sont importés de la péninsule. Difficile de manger local et bio dans ces conditions! L’île est d’ailleurs entièrement dépendante du tourisme, rendu possible grâce aux prix scandaleusement bas des compagnies aériennes low-cost. Nul doute que le pic du pétrole, paraît-il atteint depuis 2006, va sonner le glas d’un style de vie on ne peut moins durable.
Lors d’une balade, je rencontre Fatima et José, qui obtiennent des légumes bien verts en recouvrant les cultures de cendres volcaniques (afin de conserver l’humidité) mais aussi à grand renfort d’eau.
Très sympathiques, ils m’offrent quelques graines de melon et de pastèque, qu’ils reproduisent depuis de nombreuses années, et que je compte échanger plus tard pendant le voyage. Pour protéger les cultures du vent, des murets sont construits un peu partout où l’agriculture est pratiquée. Alors que le jour du départ approche, Jacques m’annonce un changement d’équipage, un couple de polonnais bateaux-stoppeurs que j’ai rencontrés peu avant. Ayant peu d’affinités avec le jeune polonais, et déçu de ne pas naviguer en duo, je suis aussi triste de quitter mes amis de Maritéa. Eric m’annonce alors que le Mikado ira finalement au Cap-Vert et qu’ils peuvent m’y emmener. C’est l’occasion de continuer les cours de guitare entamés avec Eric, alors qu’on a tous les deux acheté des guitares à Arrecife. Après un long moment d’hésitation, lié à mon engagement initial pris envers Jacques, je décide de rester sur Maritéa, pour rejoindre le Cap Vert. Nous quittons Lanzarote le 10 décembre, une fois la barre hydraulique réparée.