Je disposais du contact de Maïté dans mon carnet d’adresse depuis la Belgique, mais c’est finalement par hasard que je l’ai rencontrée à Sucre en visitant l’ONG ASUR. Très occupée, c’est avec son mari Richard (alias Ricardo ici) que j’ai le plus causé, et les récits enflammés qu’il m’a faits des aventures d’André, le frère de Maïté, m’ont convaincu à aller faire un tour dans le Nord Potosi. Potosi, c’est la mine. Et même Germinal diront certains, tant les conditions de travail sont rudes. La mine de Potosi a déjà vu sortir de ses entrailles des tonnes et des tonnes d’argent depuis 500 ans et le filon n’est pas mort. Le procédé utilisé me rappelle la mine d’or de Jacobina: un barrage de rétention avec l’eau contaminée, ici au mercure et non au cyanure. D’ailleurs c’est bien simple, un barrage a déjà lâché, créant une pollution infernale. Mais je ne suis pas allé jusqu’à Potosi. J’ai juste accompagné André, chirurgien belge reconverti en prêtre jusqu’à sa base de Colquechaca, avant de visiter deux communautés « al campo » à Chayrapata et à Achumani. Puis on est revenu faire la fête à Colquechaca, en l’honneur de San Bartolome. C’est là que je me suis initié au Tinku, danse locale utilisée jusqu’il y a peu avant de se tapper dessus à coup de poings et de pierres, parfois jusqu’à la mort, tout le monde se serrant dans les bras une fois terminé… Mais le travail d’André a largement diminué cette pratique, qui n’existe plus qu’en de rares endroits. Le fait de voyager avec « Padre Andres », vivant depuis 30 ans dans la région, et ayant une compréhension profonde des réalités locales de par ses fonctions m’est apparu comme une aubaine. En plus à partir de la mi-août, c’est le moment des fêtes. André se rend donc un peu partout célébrer baptêmes, mariages, messes diverses, le tout arrosé par une quantité tout à fait déraisonnable de chicha, la boisson locale à base de maïs. Et on ne peut pas refuser quand on est invité. Par contre, on peut se faire aider, technique que j’ai utilisé à profusion, en particulier quand arrivait un seau complet du breuvage. Finalement, beaucoup de choses en peu de temps, et une solide grippe en rentrant, ayant au passage passé pourt la première fois la barre des 4000m, notre point culminant lors de nos balades ayant été de 4800m. De très chouettes rencontres aussi, avec quelques personnes engagées qui ont de belles idées. Un grand merci à Lara et à Mario! Et de beaux souvenirs, je vous laisse les photos!
Une idée m’as traversé l’esprit en lisant cet article, au moment ou tu parles du Padre Andres… j’ai comme l’impression qu’il y a que nous, les occidentaux ou les européens, c’est comme tu veux, qui sommes capable de comprendre le bordel que nous avons foutu dans le monde, les autres n’ont pas vraiment toutes les cartes en main pour saisir les subtilités du système que nous avons mis en place et que nous leur avons allégrement imposé… 😛
Disons que certains occidentaux, forts des valeurs apprises dans nos écoles (respect, partage, solidarité, justice, égalité, liberté,…) se sentent en incohérence avec les valeurs du système (capitalisme, individualisme, compétition, hiérarchie,… ), système reproduit par cette même école. Certains de ces occidentaux se mettent à voyager, certains d’entre eux avec l’idée de participer à la création d’un monde meilleur. C’est le cas du Padre Andres.
Chaque personne a une vision du monde différente, due à ses origines, son éducation, ses informations accumulées. Le villageois qui n’a jamais vu la capitale de son pays et n’a pas d’accès à l’information extérieure a donc peu de chances de comprendre les rouages de notre système-monde capitaliste, par rapport à l’occidental cherchant une alternative au système. Par contre, il est très possible qu’il comprenne que c’est mauvais, sans connaître les aspects techniques. Et surtout, personne n’est mieux à même de définir ce qui est bon pour elle que la personne qui vit la situation, chose que n’ont toujours pas compris bon nombre d’ONGs.
Le mythe du développement, instauré par le président étasunien Truman en 1949 (Lire « Le développement, histoire d’une croyance occidentale », de Gilbert Rist, cité ici), a un fort impact sur l’Amérique latine. C’est une majorité de la population qui croit à ce développement en Amérique latine, et donc il est difficile de s’en défaire.
Il serait faux de croire que seuls les occidentaux agissent. Par contre, outre le fait d’avoir un plus grand accès à l’information, il est plus facile pour un occidental d’agir, et je ne dis pas agir positivement attention, je dis agir. Pourquoi? Parce qu’il y a cet héritage colonial qui fait qu’on respecte plus le jeune occidental débarquant comme volontaire et ne sachant rien (ou presque) qu’un paysan local qui connait le coin comme personne. Lui ne sait pas lire, n’as pas de beaux vêtements, n’a pas d’argent. Ca joue beaucoup dans la mentalité des gens.
Donc attention avec « capable de comprendre », tout est question de vision du monde, d’accès à l’information, d’intérêt,… Nous avons détruit notre environnement et nos relations et propagé cette destruction à la planète entière avant de nous rendre compte (il paraîtrait récemment) qu’on allait dans le mur. Nous avons surtout la capacité de faire beaucoup de choses inaccessibles à la majorité, de par la logique même du système, qui nous favorise. Et la situation est plus complexe que Nord-Sud. Il y a beaucoup d’inégalités au sein même des pays. La meilleure critique que j’aie lue sur l’Amérique du Sud (et donc la compréhension du bordel qu’on a foutu) m’est venue d’Eduardo Galeano, uruguayen, cité comme référence dans ma bibliothèque. Pas un « Occidental donc ». Et puis on l’a pas foutu tout seuls ce bordel: il y a des traîtres qui nous ont aidés. Comme le disait récemment Rafael Puentes, bolivien dont j’ai assisté à une conférence, la domination des incas n’a pu se faire que par le division interne qui existait au sein de leur empire, dont a profité la poignée d’espagnols débarqués. La technique n’a pas changé, il suffit de voir le cas du Congo et de la Somalie actuellement.
Point de détail, je remplacerais ton « allègrement » par « sauvagement ».
Comme dit le Dalaï Lama, ce dont nous avons besoin, ce sont de bonnes personnes, quelles que soient leur coutumes, leurs croyances,… J’en ai rencontré pas mal ici aussi, même si l’économicisme fait des dégâts au niveau des rêves. Evoluant dans un contexte difficile, comme je l’ai évoqué, ils méritent d’être mis en valeur.