Catégorie : Carnet de voyage

A Saillans, la démocratie se construit chaque jour un peu plus…

Rencontre avec les élus (vélo de gauche Fernand, vélo de droite Vincent).

C’est avec émerveillement que je suis revenu de Saillans, petit village en bord de Drôme, à mi-chemin entre Crest et Die, où j’ai passé trois journées pour tenter de comprendre le fonctionnement politique local.

Membre du Collectif pour une démocratie locale d’Ottignies Louvain-la-Neuve, j’avais entendu parler de cette expérience via Olivier de Schutter, présent à mes côtés lors d’un débat sur le TTIP/TAFTA au café citoyen Altérez-Vous à Louvain-la-Neuve. Le professeur avait alors gentiment invité le collectif à se joindre à lui pour étudier de plus près ce village comptant aujourd’hui 1250 habitants, chose faite en août 2016. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je n’ai pas été déçu, tant les échanges avec les personnes rencontrées furent vivifiants. Comme dirait Sabine, une élue: « Il y a de la joie! ».

Ce qui m’a le plus frappé, c’est la simplicité, l’humilité et la clarté d’analyse que dégagent les élus. Ils ont les pieds sur terre. Peut-être parce qu’ils ne sont pas partis de grandes réflexions, sinon d’une furieuse envie de voir du changement concret dans la façon d’organiser la vie locale. Tout avait commencé par une histoire de supermarché…

Le « NON » au supermarché

Alors que le projet d’extension du centre commercial de Louvain-la-Neuve mobilise actuellement une coalition inédite habitants/commerçants/étudiants, il est intéressant de constater que c’est l’opposition au projet de supermarché en bordure de Saillans en 2010 qui a catalysé l’action citoyenne, le maire de l’époque s’entêtant dans un projet dont personne ne voulait. Une pétition a ainsi rassemblé plus de 800 signataires, soucieux de sauvegarder les commerces locaux : pas mal pour un village de 1200 habitants ! Un collectif est dès lors formé : Pays de Saillans Vivant. Celui-ci publie Kesako, un journal créé pour l’occasion.

Cela n’est pas sans rappeler La Hache, journal satirique créé dans le même but au moment de la construction du centre commercial à Louvain-la-Neuve en 2005.

Sauf qu’à Saillans ils ont gagné: les enseignes commerciales ont renoncé l’une après l’autre!

De la dénonciation à l’utopie

Dans la foulée de la victoire contre le centre commercial, Pays de Saillans Vivant publie une grande enquête citoyenne en 2012 pour connaître la manière dont les Saillanssons voient leur territoire, comment ils voudraient le voir évoluer et ce qu’ils pensent pouvoir faire en tant qu’habitants pour cela. Une centaine de formulaires reviennent complétés et donnent des informations précieuses et encourageantes pour le collectif, qui publie les résultats dans Kesako n°2. Nous sommes au printemps 2013. Cela fait plusieurs années que le collectif assiste à toutes les réunions du conseil municipal, et tient un stand tous les dimanches lors du marché. Les élections municipales approchent. Plutôt que de créer une liste d’opposition Fernand lance l’idée d’une liste citoyenne. Bingo !

L’élection d’un projet collectif

La liste « Autrement pour Saillans… tous ensemble! » se construit autour d’un processus participatif très riche mené sur un an à peine, à partir de réunions publiques. Lors de la première réunion, convoquée par un petit papier dans les boîtes-aux-lettres, il y a déjà plus de 50 personnes: le projet est bel et bien lancé. Sabine se souvient d’une de ces réunions, après laquelle elle confiait à un ami: « Ils n’y connaissent rien… Ils ne se rendent pas compte, ils sont fous… ». « Pourquoi dis-tu ils? », lui rétorqua-t-il.

« Nous avons pu compter sur le métier de Tristan pour former des animateurs » me confie Vincent, le nouveau maire.

Au bout de quelques réunions se dégage une liste de candidats, afin de respecter le cadre électoral imposé. C’est un premier exemple de l’art politique saillansson : faire autrement mais sans chambouler totalement le cadre classique. « La participation aux réunions de l’intercommunale sont mensuelles et il aurait fallu y participer même si on perdait les élections. Nous avons donc choisi les têtes de liste en fonction » m’explique Fernand. Les 21 candidats de Autrement pour Saillans… tous ensemble! peaufinent le futur fonctionnement qu’ils expliquent dans un encart et informent sur les différents scénarios possibles.

Au soir du 23 mars 2014, les résultats sont connus : la liste l’emporte au premier tour avec 56,8% des voix ! Il faut savoir qu’en France, pour une commune de plus de 1000 habitants comme Saillans, cela signifie 12 sièges sur 15.

« Ce jour-là je me suis sentie chez moi », témoigne avec fierté Ludmila, qui se souvient aussi de cette superbe image de renversement de la pyramide des pouvoirs utilisée lors de la campagne. Heureuse, Ludmila rédige quelques lignes qu’elle envoie à plusieurs journaux. Rue 89 publie un article qui atteint les 300.000 vues. Le titre : « A Saillans, les 1199 habitants ont tous été élus au premier tour ! ». Saillans devient un symbole, un espoir: ils l’ont fait!

Les grands principes de gouvernance

Tous les habitants prennent-ils vraiment part aux décisions à Saillans ? C’est la question que je me posais sur place, quelques jours après avoir assisté à La démocratie expliquée à mon député, spectacle de Cécile Canal, avignonnaise, détaillant l’expérience de la démocratie athénienne. La réponse est… pas tout à fait. Mais une fois encore, il faut reconnaître la subtilité du modèle mis en place. Le véritable organe de décision est le comité de pilotage, public, qui se tient toutes les deux semaines. Ce sont les élus qui y prennent les décisions. Le groupe a décidé de fonctionner de la sorte pour légitimer le processus auprès des habitants. Ceux-ci ont en effet élu des représentants qui sont donc légitimes pour prendre les décisions. Par contre, par rapport à un conseil municipal classique, tout citoyen peut intervenir et donner son avis, et parfois influencer les décisions. L’autre différence est que les commissions thématiques et les groupes formés autour des projets en cours, qui réalisent le travail préalable à bien des décisions, sont ouverts à tous. Un conseil municipal classique existe toujours mais il ne sert qu’à entériner les décisions, ce qui – nous en convenons bien Fernand et moi – est déjà bien souvent le cas en France comme en Belgique. De plus, pour éviter les prises de pouvoir, tous les postes sont occupés en binôme. A côté de ces dispositions, il y a un conseil des sages, composé d’une dizaine de personnes, et qui a pour mission principale de veiller à la participation du plus grand nombre et à la transparence de toutes les décisions. C’est aussi le conseil des sages qui assure la formation des animateurs et l’essaimage de l’expérience de Saillans à l’extérieur.

Deux années d’expérience déjà

Si certains ont prédit l’échec du modèle mis en place, dont le maire sortant, force est de constater qu’il tient bon. « Notre point fort est la transparence, tout le monde le reconnaît, même l’opposition » me confie Vincent. Par contre, ce qu’il faut reconnaître, c’est le manque de moyens, qui se traduit par une surcharge de travail des élus. Comme Saillans est une petite ville, les indemnités des élus sont très réduites et la grande majorité d’entre eux travaillent à temps plein, en plus de leur travail de gestion rendu beaucoup plus lourd du fait de la multiplication des réunions. C’est pourquoi la nécessité de conforter le modèle apparaît comme la priorité pour Sabine : « Comment peut-on allouer un budget municipal pour soutenir la participation citoyenne de façon permanente ? ». Sabine a en effet décroché un financement extérieur auprès de la Fondation de France pour soutenir ce travail, notamment dans le cadre de l’élaboration du futur PLU (Plan Local d’Urbanisme). « Nous aimerions que celui-ci émane des vœux des habitants et qu’il soit soumis à la consultation populaire » me témoigne Patrick, médecin du village retraité et membre du conseil des sages.

Différents chercheurs suivent Saillans, et leurs résultats sont attendus pour peaufiner les analyses locales. « Il s’agit d’un changement de culture politique personnelle et collective », me partage Sabine. Je me souviens des paroles d’Evo Morales, président bolivien : «Cette révolution est doublement lente : une première fois parce qu’elle est démocratique, une deuxième fois parce qu’elle est culturelle ».

Saillans reproductible ?

« C’est très bien ce que vous faites, mais ça fonctionne parce que c’est un petit village… ». Cette affirmation, Fernand l’entend continuellement lors des interviews et il n’est pas, mais alors là pas du tout d’accord. Les grands principes de Saillans sont pour lui clairement applicables partout :

  • la collégialité: le fonctionnement en binôme pour toutes les fonctions, afin d’éviter autant que possible l’accaparement du pouvoir par un élu ;
  • la participation: la création de commissions thématiques et de groupes de travail sur les différents projets de la municipalité, ouverts à tous ;
  • la transparence: tous les comptes-rendus de toutes les commissions sont publiés via de nombreux supports (panneaux d’affichage, site internet, lettres d’info papier, réunions publiques sur certains dossiers)

En outre, plus la taille de l’entité augmente, plus les moyens disponibles (personnels et financiers) augmentent aussi…

De son côté, Tristan – seul membre du Conseil des sages à être là depuis le début, avec Patrick – parcourt la France pour essaimer l’expérience, notamment à-travers une conférence gesticulée.

Longo Maï Saillans !

Pour conclure ce témoignage, qui m’a profondément touché, je voudrais remercier tous ceux qui m’ont accordé leur temps, alors que les sollicitations pleuvent sur Saillans au rythme d’une demande par jour environ. Merci pour votre gentillesse, votre simplicité, et cette belle énergie qui se dégage de vous, de ce beau village. Longo Maï Saillans, comme on dit en provençal !

Comme le disait Guy, sympathisant d’une municipalité voisine, les prochaines élections montreront si Autrement pour Saillans… tous ensemble ! réussit à être réélue, Saillans étant réputée pour sa rotation rapide des maires. Personnellement, je les crois bien partis !

Pour en savoir plus, voici un compte-rendu style PPT réalisée par les élus en septembre 2016, dont j’extrais la référence suivante, illustrant la joie évoquée.

 

Sébastien Meyer, collectif pour une démocratie locale OLLN, en visite à Saillans du 4 au 7 août 2016, rédigé bien plus tard, révisé par Sabine et quelques amis, et enfin publié 🙂

Genuino Clandestino en Sardaigne

Après 6 mois sans réel voyage (le dernier remontant à Octobre 2015 vers l’Espagne), pour bien accompagner la naissance de ma fille Liberté, j’ai rejoint la Sardaigne dans le cadre de la journée mondiale des luttes paysannes, le 17 avril. Comme à mon habitude, je suis parti en stop, ce qui m’a permis une fois de plus de faire plein de belles rencontres.

Première nuit, merci les missionnaires de l’Amour de Jésus! (Frère Raphaël à gauche, Père Dominique à droite)
Merci Ciprian, premier routier abordé et bingo!
En route vers la Corse!
Paysage corse
En route vers la Sardaigne
Merci Alessio!

Parti le lundi 11 avril vers midi de Villers-la-Ville, je prenais le bateau à Toulon le jeudi matin vers Ajaccio (Corse), puis un autre bateau le lendemain matin entre Bonifacio et Santa Teresa Gallura (Sardaigne). Après une belle journée de stop, je suis arrivé le vendredi soir à Settimo San Pietro, village situé au Nord-Est de Cagliari, dans le Sud de l’île. J’y ai rejoint mon ami Gabi, coordinateur de Parckfarm, pour assister à la rencontre nationale du mouvement italien Genuino Clandestino.

C’est un mouvement de résistance paysan pour l’auto-détermination alimentaire et le libre-travail du producteur, dont les principes sont fort proches de la Chose. Il s’appelle « Genuino » parce que les produits sont frais, locaux, issus d’exploitations à taille humaine, écologiques, parce que du champ à l’étal il n’y a que des personnes qui en prennent soin, de leurs propres mains. Il est dit « Clandestino » parce qu’en Italie, tout produit alimentaire transformé doit normalement être élaboré dans des conditions de laboratoire, avec des dimensions et caractéristiques de stabilité fixés par l’industrie agro-alimentaire et la grande distribution, ce que le mouvement refuse. Site internet ici, un très bon livre ici et un docu ici

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Le vendredi soir, j’ai pu voir des images d’un documentaire sur Lampedusa, de mon ami sarde Lorenzo Sibiriu, réalisateur. eMMMMe, c’est pour Méditerranée, Migrations, Militarisation, Mémoire. On y voit comment un collectif a constitué un musée avec les objets récupérés des bateaux des migrants échoués sur l’île. La discussion qui en suivra parlera de la militarisation de la Sardaigne, de nombreuses zones côtières abritant des bases militaires. Lorenzo a aussi réalisé, aux côtés de Giacomo Orsini, un beau documentaire sur la situation dramatique des petits pêcheurs en Méditerrannée, ou comment l’Europe détruit ce type de pêche artisanale.

Le samedi, j’ai pu assister à l’assemblée générale du mouvement, après des ateliers où ma méconnaissance de l’italien m’a sérieusement handicapé.

Assemblée générale du mouvement
Atelier « Comment dépasser le leadership? »

Le dimanche, jour mondial des luttes paysannes, un marché était organisé. J’y ai notamment découvert la Mondeggi Bene Comune – Fattoria senza padroni (le Bien Commun Mondeggi – Ferme sans patron): un super projet sur 200 ha, dans la commune de Bagno a Ripoli, non loin de Florence. Depuis deux ans, une vingtaine de personnes occupent ce terrain public qui allait être vendu, le mettant à disposition de toute la communauté locale. Les contacts sont déjà pris en vue d’un prochain voyage.

J’y ai aussi rencontré Giovanni, proche de Mondeggi, et qui fait comme moi du théâtre. Là où ça devient dingue, c’est qu’il connait tous les gens que je connais du théâtre-action belge. Giovanni monte en effet des spectacles avec le collectif Libertalia, une des vingt compagnies belges de théâtre-action reconnues par la Communauté française! Ca alors!

Trivelle

Ce même jour, dimanche 17 avril, avait lieu un référendum en Italie: pour ou contre les gaz de schiste! Si plus de 50% des italiens votaient « si », cela signifiait l’arrêt de l’exploitation de cette énergie hyper polluante. Mais seuls environ 30% des italiens (l’écrasante majorité des votants) ont voté « si ». Ce qui est particulièrement scandaleux, c’est l’attitude du Premier Ministre et d’autres membres de son gouvernement qui ont dit qu’ils ne voteraient pas, déligitimant le référendum. Personnellement, je suis impressionné qu’autant d’italiens soient sortis pour se prononcer, et me dis que les 50% ne sont pas bien loin! Comme disait Eduardo Galeano, « On ne se bat pas pour gagner, mais parce que notre conscience nous le dicte ». 

« El camino » en chiffres: 3 bateaux (800km), 3 trains (500km), beaucoup de stop: 35 voitures et 2 camions (2800km) pour un total d’environ 4100 km, pas mal pour 13 jours de voyage!

Tous les yeux sur Paris…

Il y a un moment que la COP21 qui commence demain à Paris se prépare, mais l’actualité récente est venue renforcer la présence de la ville-lumière dans les médias. Peut-être pour nous rappeler que tout est vraiment lié, qu’il ne s’agit pas seulement de reconsidérer notre relation à la terre (ce qui est très loin d’être garanti par le sommet climatique), mais également nos relations internationales. Face à l’atrocité des événements récents, il est insupportable d’entendre l’hypocrisie de nos gouvernements, semant dans le Moyen-Orient non des graines d’espoir mais des foyers de violence, qui eux-même rejaillissent sur le monde. Il est insupportable de constater comment la désinformation engendre la peur et le rejet de l’autre. Plus que jamais, la société civile doit faire entendre sa voix, et regagner son pouvoir au sein des territoires, afin de faire triompher la justice, qui est à la fois sociale et climatique.

Volviendo a viajar… :-))))

Cela faisait définitivement trop longtemps que je n’avais plus voyagé. C’est avec un plaisir immense que je retrouve l’Espagne, le soleil, mon blog, et mes projets de retour retardés par l’embourbement dans le passéisme belge. Beaucoup de forces perdues… en train de revenir! Une invitation de mariage qui fait sens: mon ami Victor fait partie de ceux qui m’ont amené à apprendre l’espagnol il y a 11 ans, aux Pays-Bas. Une université d’été du CADTM présentant dans toute sa splendeur le mouvement des indignés (merci Emma!), il ne m’en fallait pas plus pour tracer un parcours Sud-Ouest français-Barcelona-Leon. Et on peut dire que je ne suis pas déçu. En plus de retrouver la dynamique tellement saine du voyage, je revois des amis et en découvre d’autres. Pour ma première nuit du voyage, un passage à l’improviste au « Chant des ânes » me permet de renouer avec Teth-Bêche, en transformation mais toujours habité d’une très très belle énergie. A Barcelona, c’est Emma que je retrouve, et Jean que je découvre. J’assiste à la très bonne conférence de Annie Machon, from U.K., ancienne coopératrice du MI5, les services secrets britanniques, qui confirment cette info dont je me demandais si elle était vraie ou pas: tous les GSM sortis après 2008 peuvent agir comme micro espions, même éteints! Elle termine sa conférence par « Stand up and fight people! », que la salle ovationne. Luttons! Liberté, justice, amour, démocratie!

De vuelta…

Seb

Grève générale des paysans en Colombie et répression

Je publie ici le message de Cynthia, gardienne de semences, sur la situation actuelle en Colombie, le 29 août 2013, depuis la France:

Bonjour à tous et a toutes!!!

Je ne voulais pas écrire un mail si long mais… c’est tout les sentiments qui me poussent à vous écrire… à vous, les copains, copines avec qui on partage ce sentiment de douleur pour la situation de notre planète.

Aujourd’hui nous, les gens qui defendons les semences en Colombie devons donner le débat aux institutions qui se rendent compte que ce n’est pas si facile de nous faire taire.

Ils ont passé la resolution 970 il y a trois ans. On s’est dit c’est grave, mais ils vont pas trop nous faire chier!

Résultat: 1.167.225 kg de semences (ou nourriture) confisquées aux petits producteurs et detruites par le ICA (Instituto Colombiano Agropecuario) en 2011, pour ne pas être certifiées: du riz, des pommees de terre, maïs, blé, petit pois, haricots, etc. Et tout ça, détruit pendant une année où la Colombie vivait une pénurie agricole due aux pluies!!!

En 2012 nous avons gagné une bataille. La loi 1518 de 2012, par laquelle ils voulaient imposer la UPOV 91 en Colombie (Exigeance du TLC avec les Etas Unis mais aussi avec L’Union Européenne), à éte declarée inconstitutionnelle pour n’avoir pas été consultée avec les paysans et les peuples autochtones.

Actuellement ils essaient de remodeler la 970. Nous, les personnes et institutions concernés devons donner notre avis avant 20 jours… PAR INTERNET!!! et pendant une grève qui est devenue une bataille de l’Etat contre les paysans!!! (9 jours de grève/guerre en Colombie!!! ).

Personellement je me suis dit, je vais la lire la 970: 47 pages complètement incompréhensibles pour expliquer comment faire pour produire et certifier les semences et ne pas être un criminel: JE N’AI RIEN COMPRIS et pourtant, j’ai passé plus de 8 ans à faire des études dites superieures! Et un paysan qui sait pas trop lire, mais qui sait mieux que moi faire pousser des graines et de la nouriture, va être un criminel pour pas connaître cette loi et pour pas donner son avis sur internet!!!. Sous quelle peine? La seule chose que j’ai compris: 4 a 8 ans de prison et amende de 26.6 a 1.500 salaires minimums.

Deux choses pour donner la bataille médiatique sur les semences en Colombie:

Documentaire Colombia 970:

Réponse de la directrice de ICA:

Réponse à la directrice de ICA de la part de la fille qui fait le documentaire, première partie:

Les choses deviennent dures en Colombie…

Enfin, nous avons l’habitude. Mais, les paysans se battent avec tout en ce moment et il y a un silence médiatique. Et ça fait trop mal: les images de paysans et paysannes de se faire agresser dans les manifs mais aussi chez eux, dans leurs maisons, les militaires menaçant avec leurs helicoptères et armes, mais sourtout, ce qui fait plus mal, c’est le silence…

http://www.eltiempo.com/Multimedia/galeria_fotos/colombia7/asi-fue-el-cacerolazo-en-tunja-boyaca_13014799-5

C’est pour ça que je vous écris. Je n’ai pas une proposition concrète ou une demande. Simplement si vous pouvez regarder le documentaire, les photos, les vidéos… de faire ce que chaqu’une/un peut faire…

Moi, je continue à faire ce que je peux… vous écrire ça fait partie. Je rentre en Colombie dans une semaine. Et je vais continuer avec notre reseau: (www.colombia.redesmillas.org) et avec la ferme (www.loskchimbos.blogspot.com).

Gros bisous

Cynthia

L’école en marchant: un chemin d’éducation Nasa à Tierradentro

Contexte local

« La nature m’a enseigné comme elle l’a fait avec les oiseaux du bois solitaire qui y entonnent des chants mélodieux et s’attèlent à construire avec adresse leurs petites maisons sans maître », Manuel Quintín Lame

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Il y a 30 ans qu’a débuté la préoccupation pour la récupération de la culture Nasa, à-travers du CRIC, le Conseil Régional Indigène du Cauca. Après 500 ans de colonisation, débutée par de violents conflits étant donné la résistance de ce peuple aux conquistadores, ensuite menée par les jésuites chargés de l’évangélisation des esclaves et des indigènes, enfin aujourd’hui perpétrée via l’institutionnalisation des territoires par l’état colombien, l’appareil scolaire occupant une place prépondérante.

Des trois phases de domination, la forme actuelle semble être la plus efficace. Si 500 ans de guerre et de présence des prêtres n’avaient pu anéantir l’essence de la culture Nasa, le système scolaire est en train de le faire en à peine quelques générations, transformant l’être Nasa (pour qui la nature est à l’origine de toute chose) en un consommateur capitaliste frustré par sa “pauvreté” (celui-ci considérant l’argent comme l’origine de toute chose). Il paraît indispensable aujourd’hui de repenser l’éducation, si le peuple Nasa veut poursuivre avec un mode de vie que seuls pratiquent encore leurs aînés. Mais si beaucoup reconnaissent cette nécessité, la divergence est grande entre les conceptions de cette éducation “propre”.

La majorité voit l’école comme l’unique endroit pour se former et atteindre un certain “niveau de vie”, rejetant les valeurs ancestrales. Une situation bien commune dans notre système capitaliste global, mais qui interpelle davantage dans le cas d’une culture de résistance comme celle du peuple Nasa. L’avalanche de 1994 n’a aidé en rien: suite à ce débordement du fleuve Páez qui tua 1500 Nasas ont débarqués les chacals culturels de la coopération internationale, sous la forme d’ONGs, d’institutions colombiennes et étrangères. La tentation de regarder ce peuple comme “des pauvres qui n’ont ni santé ni éducation” (paroles du dirigeant de la Nasa Kiwe, entité chargée de la reconstruction, durant la rencontre de Avirama le 25 avril 2013) fut bien trop grande. Analysé de façon plus politique, il s’agit aussi de l’opportunité d’en finir avec une résistance qui dure depuis 500 ans, et qui s’est souvent exprimée par la violence. Dans le Cauca s’était formée la guérilla Quintín Lame il y a une trentaine d’années, pour récupérer les terres que le gouvernement colombien et les grands propriétaires leur avaient prises et pour protéger leurs dirigeants. Cette guérilla a déposé les armes il y a longtemps mais il y a encore aujourd’hui dans les montagnes des guérilleros des FARCs et du ELN (parmi eux des indigènes de Tierradentro). Si ces guérillas actuelles ne sont pas acceptées par la majeure partie du peuple de Tierradentro, elles sont vues par d’autres comme l’unique moyen de résister face au gouvernement national très néo-libéral, qui ressemble plus à une dictature qu’à une démocratie.

Beaucoup d’observateurs extérieurs suivent actuellement le processus de paix en Colombie, les multinationales étant prêtes à exploiter les ressources abondantes de régions qui seraient finalement sous contrôle de l’état, qui cherche par tous les moyens à rallier les opposants à ce processus.

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Education propre

« Nous ne pourrons pas aller au-delà de la société de consommation à moins de comprendre en premier lieu que les écoles publiques obligatoires reproduisent inévitablement une telle société, indépendamment de ce qui s’y enseigne« , Ivan Illich

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Au centre de ce contexte extrêmement complexe se trouve la question éducative, vue par certains comme le chemin menant au nirvana de la consommation, vue par d’autres comme le moyen d’annihiler la résistance au système capitaliste et de pouvoir exploiter les ressources de zones protégées, vues enfin par d’autres comme une manière de récupérer la culture ancestrale en intégrant les savoirs modernes.

Quand je suis arrivé à Belalcazar, j’ai rencontré des personnes de la Nasa Cxha Cxha, l’association des dirigeants indigènes de la municipalité de Páez, qui m’ont parlé pour la première fois d’éducation propre. Intrigué, j’ai alors rencontré l’équipe éducative qui m’a chaleureusement reçu et présenté le travail en cours. La priorité est la récupération de la langue locale (Nasa yugwé[i], que les professeurs doivent parler) et il y a une collecte d’informations auprès des aînés en vue de les inclure dans le curriculum en construction. Cependant, il y a de nombreux aspects de la vie quotidienne qui “font” la culture Nasa et il est impossible d’appliquer de façon concrète ceux-ci dans les cadres rigides de l’éducation moderne. Revenant à Ivan Illich et à sa critique radicale « Une société sans école », j’ai partagé avec mes amis éducateurs ma préoccupation de voir acceptées dans leur proposition les méthodes du système moderne. Je me suis alors proposé de les appuyer dans une méthode de recherche pour identifier ce que pourrait être la forme de l’éducation propre.

En visite à Inzá, la seconde municipalité qui avec Páez forme Tierradentro, je me suis vite rendu compte que l’équipe éducative de la Juan Tama, l’association des dirigeants indigènes de Inzá, avait déjà réalisé ce travail. Mieux, ils ont créé un processus tout à fait original, qui chemine avec conviction vers une éducation propre. Tout de suite j’ai vu dans cette expérience une possibilité réelle de maintenir la culture Nasa. Débuté entre les murs d’une école, « l’école en marchant » est sortie de ceux-ci pour rencontrer le savoir ancestral, parcourant le territoire entier.

Ecole en marchant

« Voyageur il n’y a pas de chemin, le chemin se construit  en avançant… », Antonio Machado

P1070168L’éducation ne doit pas forcément passer par l’école, on apprend avant tout par l’expérience. Pour cela, l’école ne se confine pas en un lieu mais consiste en une découverte du territoire.

Les matières ne sont pas enseignées avec un horaire classique, mais sont incluses dans le parcours, dans une approche globale et non fragmentée comme dans les autres écoles. On n’apprend pas des matières, sinon à vivre en harmonie avec son territoire.

La notion du temps leur est propre. L’année Nasa commence le 21 juin au solstice, et le travail suit les phases lunaires, qui déterminent aussi le moment des semis, les rituels sacrés,…

La dimension spirituelle est fondamentale, se connecter aux esprits et à la terre-mère est au centre du processus. Dans cette optique, l’apport des aînés et des « te hwahla »[ii] est très grand. Mais comme le dit un « te hwahla » parlant de “l’école en marchant”: « Les esprits sont avec nous, ils nous supportent dans notre tâche ».

Je traduis ici quelques paroles d’Angélica:

Nous sommes peu nombreux, c’est une petite école qui n’a de grand que les rêves… mais cela constitue la preuve que si, nous pouvons faire quelque chose d’autre. Ce sont 7 garçons et filles qui sont en train d’apprendre en parcourant le territoire, en ne s’isolant pas de la réalité qu’eux-mêmes sont en train de vivre, sans suivre des horaires ni des matières strictes qui fractionnent la connaissance. Leurs parents sont tout le temps impliqués, engagés. Pour l’instant nous sommes trois personnes, et nous demandons aux enfants de ne pas nous appeler “profs” car nous aussi sommes en train d’apprendre et de nous surprendre de choses simples que nous ne nous étions pas donné le temps de vivre. Il y a aussi d’autres personnes de l’extérieur qui interviennent car ils croient comme nous dans ce tissage progressif de nos rêves.

Ces sont 7 enfants entre 6 y 12 ans qui font partie de l’école en marchant de San Andrés[iii], plus 6 enfants de moins de 5 ans à Yaquivá qui commencent avec une prof bilingue, parce qu’il faut commencer dès l’apprentissage de la langue maternelle. Ces enfants se déplacent de maison en maison mangeant ce qui provient du potager qui se réalise dans chaque famille en mingas avec les parents de tous les enfants. Il y a aussi des groupes d’adultes à Yaquivá, qui une fois par semaine se retrouvent dans le potager d’un du groupe, pour désherber à la machette et faire du compost.

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Comme le dit Rivel, l’éducation est intégrale:

Le chemin de l’éducation doit nous mener à vivre dignement, heureux, en harmonie avec notre terre-mère, avec nous-mêmes et avec les autres, à être autonomes dans nos décisions de la plus petite jusqu’à la plus grande, dans ce sens nous nous éduquons par la pratique. Le premier point qui nécessite à être travaillé dans cette société endormie et soumise pour reproduire le système est la conscience. Nous faisons cela à partir de la récupération des semences, la réalisation d’engrais organiques, la réalisation du potager, la réflexion et la formation d’êtres sensibles avec capacité d’analyse et de discernement sur ses propres problèmes.

Dans cette perspective nous sommes 20 familles à nous rencontrer les mardi, mercredi et vendredi pour faire le potager et récupérer les semences. Chaque jour, nous passons une heure à réfléchir sur le contexte, à définir des moyens d’action et des engagements pour rééduquer petit-à-petit nos esprits, habitudes, corps qui sont déjà contaminés par le système capitaliste. Nous nous éduquons pour la vie. Il est nécessaire de voir l’éducation comme intégrant toute la société, toute la famille depuis le plus petit jusqu’au plus grand. Si l’éducation répond aux nécessités et à la réalité des familles, elle sera solide. Notre perspective d’éducation englobe nécessairement la famille dans son ensemble.       

Les participants sont bien conscients de ce que signifie cette méthode, et c’est bien nécessaire car beaucoup ne la soutiennent pas. Du gouvernement qui ne la valide pas, jusqu’aux communautés qui ne jurent que par les écoles modernes. L’appui le plus précieux vient des aînés qui y voient l’unique moyen de préserver la culture Nasa.

 

Difficultés actuelles 

« Si tu viens pour m’aider, tu perds ton temps. Mais si tu viens parce que ta libération est liée à la nôtre, alors commençons », Lily Walker

Si l’ancienne direction de la Juan Tama partageait la vision décrite ici, permettant le développement d’un projet comme “l’école en marchant”, la nouvelle direction voit les choses d’un autre œil. C’est symptomatique des divergences sur l’éducation propre. La conséquence directe est l’arrêt de l’appui financier dont ils bénéficiaient pour les déplacements, la rémunération des accompagnatrices, du matériel,…

Si l’objectif est d’être à terme entièrement autonome financièrement en consolidant une économie “propre”, il y a encore du chemin à faire pour y arriver. L’équipe cherche donc des fonds, en se méfiant du paternalisme. Comme le dit Rivel:

L’argent conditionne la volonté, et quand il n’y plus de volonté tout s’arrête. L’éducation propre doit être comme l’eau qui coule dans la rivière et qui contourne tous les obstacles pour continuer son chemin.

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La ressource économique principale dans la région est le café. Un café organique de grande qualité est exporté en Europe et aux Etats-Unis, le Café Tierradentro. Il y aussi des coopératives qui fabriquent des savons écologiques, shampooing, huiles essentielles et autres dérivés de plantes médicinales, des pâtes alimentaires. La volonté est d’éviter de dépendre des exportations de café, qui pourraient se faire au détriment des autres productions agricoles.

Au-delà d’un manque de soutien, le groupe fait face à des attaques directes. Au niveau politique, la proposition dérange et le leader du groupe a déjà été menacé de mort. Je reprends quelques paroles d’Angélica sur la situation dans le territoire de San Andrés:

Le tissu se renforce de la relation que nous tenons avec les êtres de la nature qui nous donnent la vie et que nous remercions tous les jours. Et qui nous aident à faire face aux différents obstacles qui se présentent. Parce que pour “tout petit” que paraît ce processus, il s’est converti en quelque chose de grand qui a mis en péril plusieurs d’entre nous.

En ce moment le gouvernant actuel et son équipe, […] ainsi que des personnes de la communauté […], sont en train de nous attaquer, ils le font car beaucoup de ceux qui supportent cette école furent les leaders qui commencèrent à lutter pour l’éducation propre à San Andrés il y a presque 3 ans. L’école que nous avions formée s’est convertie en un collège conventionnel avec un nom indigène, comme tellement d’autres, ce que nous ne validons pas et qui est la raison pour laquelle nous avons entamé cette nouvelle expérience. [“L’école en marchant”]

L’attaque n’a pas été facile puisque la discussion est de fermer notre école et qu’ils n’ont pas pu puisqu’elle n’a ni portes ni murs, raison pour laquelle ils veulent nous punir en nous chassant du territoire en nous reprochant ce qu’ils appellent “divisionnisme”.[…]

Quoiqu’il en soit, nous continuons avec forcé et énergie parce que nous y croyons et que nous sentons c’est un chemin possible… […]

L’idée est de faire prendre conscience à d’autres qu’ici comme ailleurs on peut rêver et travailler pour réaliser nos rêves, qu’on peut vaincre la peur de penser ou faire quelque chose de différent, quelque chose de juste, de digne d’être vécu.

 

Rêves à partager

Effleurant à peine ce que ce groupe est en train de faire, j’ai été impressionné par la profondeur de son engagement envers sa culture et ses utopies. Je me suis mis à rêver que, si, nous pouvons changer le système éducatif. Ils sont en train de le faire.

En même temps le plus grand problème est pour eux de partager ce rêve à l’intérieur de leurs propres communautés. Pour cela, ils sont dans une phase difficile de négociation, pour faire accepter cette forme d’école.

Arrêtant un moment mon grand voyage pour écouter parler d’éducation propre, j’ai voulu cherché aux côtés des éducateurs de la Nasa Cxha Cxha. Mais j’ai découvert une expérience qui me parait poser les bonnes questions. Pour cela, je tiens ici à la partager avec tous, parce que ces chemins vers le “bien-vivre” se construisent dans l’adversité, celle de lutter pour modifier la réalité. Je souhaite que cette expérience soit diffusée, respectée et accompagnée pour que mes amis  reçoivent des énergies positives dans leur chemin vers la paix, la vraie, pas celle qui permettrait une destruction de la vie.

Pai[iv] compañeros pour votre magnifique travail!

Merci à tous ceux qui pourront diffuser cette fantastique expérience!


[i] La langue locale est de tradition orale. Il n’y a pas beaucoup de sens à l’écrire, parce qu’elle perd sa dimension symbolique, spirituelle. Les premiers à vouloir le faire furent les curés dans une optique d’évangélisation. Une unification de l’écriture a été réalisée par le CRIC ces dernières années mais le débat reste entier. Les quelques mots que j’écris le sont à partir de la prononciation et non de l’orthographe unifiée, la seule manière de les comprendre complètement est de les vivre!

[ii] Te  hwahla » est très mal traduit en français comme médecin traditionnel, perdant totalement la dimension spirituelle, pourtant essentielle.

[iii] San Andrés y Yaquivá sont des “resguardos” (territoires indigènes) de la municipalité de Inzá.

[iv] Merci en Nasa Yugwé, comme en quichua!

La escuela andante: un camino de educación Nasa en Tierradentro

Contexto local

« La naturaleza me ha educado como educó a las aves del bosque solitario que ahí entonan sus melodiosos cantos y se preparan para construir sabiamente sus casuchitas sin maestro », Manuel Quintín Lame

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Hace unos 30 años que se está planteando el tema de la recuperación de lo propio, a través del CRIC, el Consejo Regional Indígena del Cauca. Después de 500 años de colonización, empezando por guerras fuertes dado la resistencia de este pueblo a los conquistadores españoles, continuando con la evangelización de los jesuitas, y terminando hoy con la institucionalización de los territorios a través del estado colombiano, gracias a la educación moderna tomando una posición ultra dominante.

De las tres fases de dominación, la forma actual parece ser la más eficiente. Si 500 años de guerra y de presencia de los curas no han podido acabar con la esencia de la cultura Nasa, el sistema escolar lo está haciendo en apenas algunas generaciones, transformando el ser Nasa (el cual considera la naturaleza como origen de todo) en un consumidor capitalista frustrado por su « pobreza” (el cual considera el dinero como origen de todo). Es indispensable hoy replantar lo que es la educación para este pueblo, si quiere seguir el modo de vida que hoy casi solo conocen los mayores. Pero si muchos reconocen la necesidad de la tarea, hay mucha divergencia sobre lo que debe ser esta educación propia.

La mayoría de la personas ven la escuela como el único lugar para formarse y alcanzar un « nivel de vida », descreditando los saberes ancestrales. Una situación bien común en nuestro sistema capitalista global, pero que interpela todavía más en el caso de una cultura de resistencia como la del pueblo Nasa. La avalancha de 1994 no ayudo en nada: después de este desborde del Rio Páez que mató a 1500 Nasas llegaron los chacales culturales de la cooperación internacional, sobre la forma de ONG, instituciones colombianas y extranjeras. La tentación de mirar a este pueblo como “pobres que no tienen ni educación ni salud » (palabras del dirigente de la Nasa Kiwe, durante el encuentro de Avirama el 25 de abril 2013) fue demasiado grande. Si analizamos de manera más política la situación, es también la oportunidad de acabar con una resistencia que no paro en 500 años, muchas veces expresada de forma violenta. En el Cauca existió la guerrilla Quintín Lame hace unos 30 años, para recuperar las tierras que el gobierno colombiano y los terratenientes habían quitado a los indígenas, y proteger sus dirigentes. Esta guerrilla se desmovilizó pero hoy en día están todavía guerrilleros de las FARCs y del ELN (en parte indígenas de Tierradentro) en las montañas que utilizan como refugio. Si estas guerrillas actuales no son aceptadas por la mayoría del pueblo de Tierradentro, son vistas por otros como la única forma de resistir frente al gobierno nacional altamente neo-liberal, que parece más a una dictadura que a una democracia.

Se mira mucho del exterior el proceso de paz actual en Colombia, las multinacionales teniéndose listas para explotar los recursos abundantes de regiones finalmente controladas por un estado que busca la cooptación de todos a su proyecto.

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Educación propia

« No podremos ir más allá de la sociedad de consumo a menos que entendamos primero que las escuelas públicas obligatorias reproducen inevitablemente dicha sociedad, independientemente de lo que se enseñe en ellas. », Ivan Illich

P1150628Dentro de este contexto muy complejo esta la educación, vista por algunos como el camino para el nirvana consumista, por otros como modo de acabar con la resistencia al sistema capitalista y permitir la exploración de los recursos de estos territorios protegidos, por otros como una forma de recuperar lo « propio » herencia de los antepasados pero también incluyendo los saberes modernos.

Cuando llegué en Belalcazar, entré en contacto con la Nasa Cxha Cxha, la asociación de los cabildos del municipio de Páez, y escuche por la primera vez hablar de educación propia. Muy interesado por el concepto, encontré el equipo pedagógico que me recibió y compartió conmigo lo que están haciendo. Hay actualmente un proceso de recuperación de la lengua local (Nasa yugwé[i], que los profesores deben hablar para hacer parte de las escuelas) y hay también mucha información recuperada a partir de los mayores que se está incluyendo en el currículo en construcción. Sin embargo, son muchos aspectos de la vida que hacen el ser Nasa y es difícil colocar de manera concreta ellos en práctica en los cuadros rígidos de la educación moderna. Acompañado de Ivan Illich y de su crítica radical de la educación moderna « La sociedad desescolarizada », compartí con los compañeros educadores mi preocupación de aceptar los métodos del sistema moderno. Abiertos a la discusión, reconociendo la necesidad de también trabajar sobre « la forma », el grupo aceptó de compartir un rato conmigo para investigar el tema.

En visita a Inzá, el segundo municipio que con Páez forma Tierradentro, descubrí que el equipo educativo de la Juan Tama, la asociación de los cabildos de Inzá, había realizado esta investigación. Mejor, ellos están realizando hoy un proceso con una forma totalmente diferente, que camina con determinación hacia lo propio. Yo vi rápidamente este proceso como bastante coherente para seguir con la cultura Nasa. Iniciado dentro de un aula, la escuela andante la dejo sintiendo que no permitía seguir con la transmisión del conocimiento ancestral, para caminar dentro del territorio.

Escuela andante

« Caminante no hay camino, se hace camino al andar… », Antonio Machado

P1070168La educación no tiene que pasar por una escuela, se aprende más que todo de las experiencias. Por esto, la escuela no se confina en el lugar que ellos ocupan, sino que andan a través de todo el territorio.

Las materias no están enseñadas con un horario, sino como parte del recorrido, con una visión global y no fragmentada como en las otras escuelas. Como se dice, no se está aprendiendo materias, sino a vivir en harmonía con su territorio.

La noción del tiempo es sin embargo diferente. El año nuevo Nasa empieza el 21 de junio al solsticio, y el trabajo con los niños sigue las fases lunares, que también determina los momentos de trabajo agrícola y los rituales sagrados.

La parte espiritual es fundamental, conectarse con los espíritus y la madre tierra está al centro del proceso. En este ámbito, el apoyo de los mayores y de los « te hwahla »[ii] es muy grande. Como lo dice el « te hwahla » hablando del grupo de la escuela andante « los espíritus están con nosotros, nos están apoyando ».

Aquí retomo las palabras de Angélica:

Somos pocos, es una escuela pequeña que lo único grande que tiene son los sueños… ha sido la muestra de que si se puede hacer algo diferente. Son 7 chicos y chicas que están aprendiendo mucho recorriendo el territorio, no aislándose de la realidad que ellos mismos viven, andan contentos, sin cumplir horarios ni clases restringidos que fraccionan los conocimientos, sus padres están todo el tiempo pendientes y apoyando todo lo que se hace, también comprometidos, ahorita estamos acompañando tres compañeras, desde el principio planteamos que no nos llamen profesoras, compañeras que también estamos aprendiendo y sorprendiéndonos de cosas sencillas que no nos habíamos dado el tiempo de vivir. De igual manera hay otros compañeros que desde otros lugares están apoyando y le creen a ir tejiendo de a pocos nuestros sueños.

Hoy son 7 niños entre 6 y 12 años que conforman la escuela andante de San Andrés[iii], más 6 niños de menos de 5 años en Yaquivá que empiezan con una maestra bilingüe, porque hay que empezar desde el aprendizaje de la lengua materna. Estos niños pequeños andan de casa en casa y comen siempre los productos de la huerta de cada familia, que se trabajan en mingas con los padres. También hay grupos de adultos en Yaquivá, que una vez por semana trabajan en la finca de alguno del grupo, desherbando con machete y constituyendo abono orgánico.

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Como lo dice Rivel, la educación es integral:

El camino de la educación propia nos tiene que llevar a vivir dignamente, alegres, en armonía con nuestra madre tierra, con nosotros mismos y los demás, a ser autónomos en nuestras decisiones desde la más pequeña hasta la más grande, en este sentido nos educamos desde la práctica. El primer punto que se requiere avanzar en esta sociedad adormecida e amaestrada para reproducir el sistema es la conciencia. Intentamos construir conciencia desde la recuperación de las semillas, la realización de los abonos orgánicos, la realización de la huerta o tul nasa, la reflexión y la creación de organismos sensibles con capacidad de análisis y discernimiento sobre sus propios problemas con capacidad de proyección.

En esta perspectiva  existen 20 familias que nos encontramos todos los martes, miércoles y viernes para hacer la huerta y en ella ir recuperando las semillas. Una hora de cada día de estos lo dedicamos a hacer reflexiones de contexto, a definir metas y compromisos para ir avanzando en reeducar nuestras mentes costumbres y cuerpos ya socavado por el sistema capitalista. Nos intentamos educar para la vida. Es necesario abordar la educación como un asunto que toca toda la sociedad es decir toda la familia desde el más pequeño hasta el más grande. Cuando la educación responda a las necesidades y realidades de las familias, se fortalece. Nuestra perspectiva de educación involucra necesariamente la familia en su integralidad.

Las participantes son muy conscientes de lo que es la propuesta, y es necesario porque muchos no la apoyan. Del gobierno que no quiere reconocer este proceso como válido, hasta las comunidades mismas que acreditan más en las escuelas modernas. El apoyo más grande viene de algunos mayores que ven allí la única forma de seguir con el ser Nasa.

 

Dificultades actuales 

« Si está llegando para ayudarme, pierde su tiempo. Pero si está llegando porque su liberación está vinculada a la mía, entonces empezamos », Lily Walker

Si la dirección antigua de la Juan Tama compartía esta visión de la educación propia, permitiendo el desarrollo de propuestas como la de la escuela andante, la nueva directiva hoy no concorde en apoyarla. Esto demuestra la divergencia de opiniones sobre la educación propia. La consecuencia inmediata es que el apoyo financiero de este grupo de educadores excepcionales va a parar.

Si bien la propuesta es de ser totalmente autónomos con la constitución de una economía propia, todavía se necesita fortalecerla, sin caer en el paternalismo. Como lo dice Rivel:

El dinero condiciona la voluntad, y cuando se acaba la voluntad se terminan los procesos. La educación propia tiene que ser como el agua que fluye por los ríos que escapa a cualquier obstáculo si se estanca, pues se evapora para continuar fluyendo.

P1150699La fuente principal de ingreso en esta región es el café. Para la construcción de una “economía propia”, se comercializa un café orgánico que se exporta en Europa y Estados Unidos, de calidad excepcional y llamado Café Tierradentro, y se venden otros productos como jabón ecológico, champús, aceites esenciales y otros derivados de plantas medicinales, fideos. La expansion del cultivo de café es un problema actualmente. El grupo se pocisiona contra el monocultivo, colocando el principio de soberania alimentaria al primero  y busca a diversificar las fuentes de ingreso.

Al nivel político, la propuesta es tan profunda que el líder del grupo ya fue amenazado de muerte y las autoridades locales están atacando el proceso. Aquí más palabras de Angélica sobre la situación de la escuela andante en el Resguardo de San Andrés:

El tejido se hace fuerte por la conexión que hemos tenido con los seres de la naturaleza que nos permiten la vida, a quienes agradecemos todos los días. Y que nos ayudan a estar firmes frente a los diferentes obstáculos que se nos presentan. Porque por pequeño que parezca esto se ha vuelto algo muy grande que a varios ha puesto en riesgo.

En este momento el gobernador de turno y su cabildo, […] y personas de la comunidad […], son los que ahorita están atacando este proceso, lo atacan porque muchos de los que están apoyando esta escuela fueron los líderes que gestaron hace ya casi tres años una lucha por la educación propia en el resguardo, que ahora se ha convertido en un colegio convencional con nombre indígena, como muchos otros, con el que no estamos de acuerdo y por lo cual se plantea gestar esta nueva experiencia.[“la escuela andante”]

El ataque ha sido complicado porque la discusión es cerrar esta escuela, no han podido porque ésta no tiene puertas ni muros, entonces lo que plantean es castigarnos y sacarnos del territorio por algo que ellos llaman divisionismo.[…]

Igual seguimos con energía y fuerza porque le creemos a esto y sentimos que es un camino posible… […]

La idea es concientizar a varios de que acá y en otras latitudes se puede soñar y trabajar para cumplir nuestros sueños, que se puede vencer el miedo de pensar y hacer algo diferente, algo más justo, más digno de ser vivido.

 

Sueños a compartir

Descubriendo un poco de lo que está haciendo este grupo, me quedé impresionado por la profundidad de su compromiso con su cultura y sus utopías. Me puse a soñar con ellos que si podemos construir un sistema educativo diferente, ellos lo están haciendo.

Al mismo tiempo, la dificultad mayor que se encuentra es de conseguir a compartir este sueño dentro de sus propias comunidades. Por esto, ellos están en un proceso difícil de aceptación, de mostrar que si es posible educar de esta forma.

Parado para aprender más de la educación propia, quería investigar con los educadores de la Nasa Cxha Cxha. Descubrí una experiencia que me parece hacer las buenas preguntas, más que dar respuestas. Por esto,  quiero aquí compartirlo con todos, porque estos caminos hacia el buen vivir se construyen en la adversidad, la de luchar para cambiar la realidad. Deseo que esta experiencia sea difundida, respectada, y acompañada para que los compañeros reciban energías positivas en su camino hacia la paz, la paz verdadera, no aquella que permitiría la destrucción de la vida.

Pai[iv] compañeros para su hermoso labor, y un saludo al pueblo Nasa de Tierradentro!

Gracias a todos los que pueden difundir esta experiencia valiosa!


[i] Le lengua local es de tradición oral. No tiene mucho sentido escribirla, porque pierde su dimensión simbólica, espiritual. Los primeros a querer escribirla fueron los curas con una voluntad de evangelización. Se ha tratado de unificar la manera de escribirla en los últimos años, a través del CRIC, pero todavía el debate es grande. Yo escribo las palabras de la forma que se pronuncia, pero la única manera de entenderlas realmente es de vivirlas!

[ii] Te  hwahla » está muy mal traducido en español como médico tradicional, vaciando totalmente la función espiritual que cumple, en contacto con los espíritus.

[iii] San Andrés y Yaquivá son resguardos (territorios) del municipio de Inzá.

[iv] Gracias en Nasa Yugwé, como en quichua!

Volviendo a viajar

J894

Fue después de muchas despedidas que dejé La Esperanza, atrasando una otra vez la hora de salir para apoyar el baño seco del centro infantil del barrio Chimbacalle, ahora indispensable durante los trabajos de cambio de alcantarillado realizados allí  El compañero Medardo hizo al ultimo momento un proyecto que había soñado: colocar un baño seco en el centro infantil.

Un regalo para Hilario Morocho – mi gran amigo ingeniero de la mierda (a no confundir con ingeniero de mierda) y presidente de la junta parroquial – que dejé a su esposa en su ausencia, y empecé alrededor de las 10 de la mañana un viaje de tres días hasta el pueblo Nasa en el Cauca en Colombia.

La espera fue corta en Tabacundo hasta la llegada de Eduardo, medico trabajando entre Quito y Otavalo, pero me demore un tiempo en Otavalo antes de viajar en camioneta con Ana y Orlando, el ultimo nacido en… Chimbacalle! Me dejaron en Ibarra donde se complicaron las cosas hasta llegar a la gasolinera de la salida para Tulcan. Allí encontré a las monjitas Alexandra y Ana-Ruth que después de un momento de duvida aceptaron de llevarme hasta la frontera, parando en el camino para comer en la casa donde viven.

Nunca hay que tomar en serio la cosa del visa. Al lugar de pagar 300 dolares y llenar muchos papeles, eligió de quedarme ilegalmente en Ecuador. Mi multa: 6 meses sin poder entrar en el país y nada mas. Tranquilo y con gente bien amable de la administración  Puedo entrar con mi nuevo pasaporte en Colombia.

La noche en Ipiales fue medrosa: muchos ladrones y prostitución en la plaza principal, alta presencia policial eligió pasarla en el hostal!

J895

Felizmente, a partir de las « Tres cruces » que logre con el bus de la ciudad, volví al campo con una felicidad muy grande. Definitivamente  el campo supera a todo! Un primer pick-up para Pasto con Walter y su familia, y almorzó entendiendo que ser vegetariano en Colombia va ser misión imposible. El miedo de llevarme fue demasiado grande para el joven que iba por Cali, y me contente de un camino corto con Hugo, chef al espirito libre que ira hasta dejarme suficientes pesos para 3 comidas! Al peaje de Chachagui, un poco de demora en la lluvia y Higinio me lleva en su camioncito. « No cargo nada de valor, solo cemento » justifica el mano para llevarme. Le acompaño de noche en la montaña hasta Tamilango, dejando por un momento la Panamericana. Duermo allí  por solo 6000 pesos.

J896

Vuelvo abajo con un pick-up taxi al amanecer. El dedo no funciona y camino un poco, el taxi de Juan Paulo dejándome gratis al pueblo Remolino. Allí es la buena noticia: Robert me lleva en su camión hasta Popayan.

Con Robert, hacemos la ruta hablando de la guerra, parando dos veces para controles de la policía buscando armas y drogas. El me cuenta el asesinato del candidato del M19 (grupo armado) que podía acabar con todo esto hace unos 30 años. Su familia fue bien impactada con su hermano matado y sus sobrinos que por querer vengar al padre entraron en el ejercito. Resultado: un sobrino muerto y dos heridos. A Robert de su lado, le gustaría pasar un año con cada grupo armado (guerrilla, ejercito, paramilitares) como aventura. Me dice que los masacres de la guerrilla eran contra gente que coopero con los paramilitares, de lejos el grupo mas peligroso de la guerra. Trabajando al inicio por el gobierno, ellos se han convertido según el en grandes ladrones, lo que no falta en Colombia. Robert me deja en Popayan, donde me ubico rápidamente en la salida para Inza, punto de encuentro con mi contacto Javier.

Victor Manuel, ingeniero joven trabajando en la construcción de la nueva carretera me lleva en Inza, de donde llamo a Javier. De Inza, tomo un bus de noche que me lleva en Belalcazar, al centro del territorio Nasa. Llegue gracias a 9 personas, y finalmente rápido  probando otra vez que viajar a dedo si funciona!